Un nombre croissant de compagnies font la promotion de leurs vêtements et tissus écoresponsable. Comme plusieurs, tu te demandes pourquoi payer plus et comment reconnaître les entreprises qui se sont réellement engagées à faire une différence. Le sujet est complexe et plein de zones grises. C’est aussi un défi pour tous les designers qui souhaitent créer une collection écoresponsable et les couturières qui souhaite s’amuser en limitant les impacts écologiques.
Comprendre les enjeux aide à la fois à faire des choix plus en accord avec nos valeurs et à trouver des solutions innovatrices. J’ai donc pensé faire un résumé des raisons pour lesquelles l’industrie du textile est considérée comme le 2e plus grand pollueur au monde.
CONSOMMATION ET POLLUTION DE L'EAU/ MICROPLASTIQUES
On estime que 4 % de la consommation d’eau douce mondiale est utilisé pour la production de textiles.
Jusqu’à 2 700 litres d’eau sont requis pour obtenir le coton nécessaire pour fabriquer un T-shirt.[1] Environ 20 % de la pollution de l’eau provient de la production textile, principalement à cause des teintures et autres produits de finition. Les eaux usées contiennent des substances toxiques telles que le plomb, le mercure et l'arsenic, entre autres. Les fertilisants utilisés dans les champs de coton sont une autre source non négligeable de contamination.
Chaque année, environ 500 000 tonnes de microfibres plastiques qui se retrouvent dans les océans.[2] La majorité serait attribuable au lavage des textiles synthétiques comme le polyester. C’est l’équivalent de plus de 50 milliards de bouteilles en plastique.
ÉMISSIONS DE CO2
L'industrie de la mode est responsable de 4% des GES mondiale (2.1 billions de tonnes). Afin de limiter le réchauffement climatique à 1,50 C, ces émissions devraient être diminuées de moitié d’ici 2030.[3]
Cette estimation inclus les phases de production, fabrication, le transport ainsi que l’utilisation des vêtements. En fait, selon un rapport de la firme Mckinsey & Company , un changement dans nos habitudes de consommation et d’utilisation diminuerait de 21 % la quantité de Co2 émise chaque année.[4]
ÉPUISEMENT DES RESSOURCES : DÉFORESTATION, ÉROSIONS DES SOLS ET MATIÈRES NON-BIODÉGARDABLES
200 millions d’arbres sont coupés chaque année pour fabriquer des fibres artificielles comme la rayonne/viscose. Plusieurs de ces zones exploitées sont des forêts anciennes et menacées, essentielles à notre écosystème. Elles incluent les forêts boréales et pluviales tempérées du Canada.[5]
Un sol en santé est essentiel pour l’écosystème et l’agriculture, sa détérioration est une menace majeure pour la sécurité alimentaire mondiale. 33 % des sols de la planète sont déjà dégradés.[6] Bien qu’il s’agît d’un phénomène naturel, l’agriculture intensive, la déforestation, le surpâturage et une gestion inappropriée des sols ont un impact direct sur l’accélération de l’érosion des sols.
L'industrie de la mode utilise 98 millions de tonnes de ressources non renouvelables par an.
Les fibres synthétiques, comme le polyester, sont essentiellement des particules de plastique fondues puis étirées en longs filaments. La production de ces textiles utilise environ 342 millions de barils de pétrole par an.[7] Puisqu’elles sont non biodégradables et peuvent prendre de 20 à 200 ans pour se décomposer.[8]
Considérant que la culture de coton représente 2,5% des terres cultivées dans le monde, il est important que l’industrie de la mode fasse sa part pour exploiter de façon responsable les terres agricoles qui sont utilisées pour créer les textiles.[9]
ACCUMULATION DES DÉCHETS
L’arrivée de la mode rapide a complètement changé le cycle habituel des collections de mode et les attentes des consommateurs. Bas prix et nouveaux choix constants offerts par les géants comme H&M, Zara & Forever 21. On n’hésite plus à acheter quelque chose sur un coup de tête ou pour une occasion unique. Les médias sociaux et le marketing de ces entreprises nous laissent croire qu’il faudrait constamment renouveler son look pour être belle, que c’est maintenant un sacrilège d’être surprise à porter trop souvent le même vêtement. Résultat, nous n’avons jamais produit et vendu autant de vêtements tandis que le taux d’utilisation de ceux-ci chute en flèche. En chiffre, ça ressemble à ceci[10] :
Alors que la production mondiale aurait doublé entre 2000-2015, on estime une baisse de 36% d’utilisation.
Au Québec, on jette/donne en moyenne 24 kg de vêtements par année (2016).[11]
Mondialement, « moins de 1 % des vêtements recyclés retourneront sous une forme vestimentaire.» Le reste de ce qui peut être récupéré (environ 12%) sera transformé en produits de moindre valeur, par exemple sous forme de matériaux isolants, de chiffons ou des matériaux de rembourrage. Ce faible taux de récupération signifie que c’est l’équivalent d’un camion à vidange rempli de textiles qui est gaspillé chaque seconde.
UTILISATION DE PRODUITS CHIMIQUES
Près de 25% des produits chimiques consommés dans le monde sont utilisés pour la production textile. Leurs utilisations inclus:
Des fertilisants et pesticides. (La production de coton représente 2,5 % des terres agricoles mondiales, mais nécessite environ 16 % de l'ensemble des pesticides utilisés.)
Les traitements pour préparer les fibres aux étapes du filage et du tissage.
La transformation du bois/bambou en fibres artificielles.
Les teintures et autres traitements de finitions
Le tannage du cuir.
« L’Agence suédoise des produits chimiques (KEMI) a analysé plus de 2,400 substances utilisées dans la fabrication des vêtements et a conclu qu’environ 30% de ces produits chimiques posent potentiellement un risque pour la santé humaine. »[12] C’est-à-dire qu’ils peuvent contenir des toxines, des substances cancérigènes et des perturbateurs hormonaux. D’autres effets signalés vont des réactions allergiques aux maladies respiratoires. Ces produits chimiques ne seront pas tous éliminés au moment de la production et « certains vont rester sur les vêtements, ce qui peut causer des effets indésirables pendant l’utilisation. »[13] Ce qui reste par la suite peut aussi se retrouver dans les eaux usées lorsque les vêtements sont lavés. C’est problématique puisque certaines de ces substances sont non ou peu dégradables et vont s’accumuler dans les organismes vivants (bioaccumulation), impactant tout l’écosystème.[14]
VIOLATIONS DES DROITS HUMAINS
75 millions de personnes sont employées dans l'industrie de la mode dans le monde. Malheureusement, le travail est majoritairement fait dans des milieux pauvres (et par des femmes) où les droits humains sont souvent ignorés.[15] Les salaires sont insuffisants pour vivre décemment et ce malgré des horaires de travail abusif. Des cas de travail forcé et l’emploi d’enfants ont été signalés à de nombreuses reprises. Le tout dans des conditions de travail souvent dangereuses pour la santé et la sécurité des travailleurs. Ceux-ci ont peu de recours parce que dans beaucoup de cas, la formation de syndicats est fortement découragée par des menaces de licenciement et autres méthodes d'intimidation, parfois violentes. Ces usines profitent du fait qu’aucune loi ne protège les travailleurs de leur pays. Sur ce sujet, le documentaire « The true cost » est à voir pour n’importe qui qui s’intéresse aux dessous de la mode.[16]
CRUAUTÉ ANIMALE
Le manque de législation protégeant les animaux, la pression faite de toute part afin de garder les coûts au plus bas et l’élevage intensif pour répondre à la demande croissante de l’industrie ont créé des situations propices à l’abus des animaux qui nous donnent la laine, les plumes ou le cuir pour nos vêtements:
Mutilation des animaux avant ou pendant la tonte de la laine.
Prélèvement douloureux de la fourrure ou du duvet/plumes.
Conditions d’élevage ignorant le bien-être de l’animal. (Manque d’espace, gavage, négligence menant à la propagation de divers maladies et parasites)
Abatage infligeant des souffrances inutiles.
C’est sans surprise que PETA dénonce ces pratiques depuis des années.[17] C'est une réalité d'autant plus difficile à nier, qu'il est maintenant trop facile de voir des preuves vidéos de ces gestes atroces sur l'internet.
LA TÂCHE DE RENDRE LA MODE PLUS ÉCORESPONSABLE EST DONC ÉNORME
Déprimant, non? Tout à fait! Mais la bonne nouvelle est qu’une vague de solidarité et de créativité dans l’industrie est en train de créer des changements positifs et les solutions souhaitées sont de plus en plus réalisables et répandues, prouvant qu’un nouveau modèle de production écologiquement et socialement responsable est possible. La 2e partie de ce billet est donc axé sur ces solutions, où tous ont un rôle à jouer. Il sera disponible sous peu.
SOURCES:
*Un textile peut comprendre, entre autres, des vêtements, des tapis, des tissus d'ameublement, des rideaux, du linge de maison, des chiffons de nettoyage et des sacs à dos. Les vêtements représentent 60% de tous les textiles. Dans les statistiques, j'indiquerai si je parle des textiles dans leur ensemble, des vêtements ou des vêtements en polyester.
[1] WORLD WILDLIFE FUND, The impact of a cotton t-shirt, 2013, https://www.worldwildlife.org/stories/the-impact-of-a-cotton-t-shirt [2], [3],[7],[9], [10][12] ELLEN MACATHUR FONDATION, A new textile economy: Redesigning fashion's futur, 2017, https://ellenmacarthurfoundation.org/a-new-textiles-economy [4] MACKINSEY AND COMPANY, Fashion on climate, 2020, https://www.mckinsey.com/industries/retail/our-insights/fashion-on-climate [5] CANOPÉE, https://fr.canopyplanet.org/canopystyle/ [6]ORGANISATION DES NATIONS UNIES POUR L'AGRICULTURE ET L'ALIMENTATION, Colloque international sur l’érosion des sols,2019, http://www.fao.org/about/meetings/soil-erosion-symposium/key-messages/fr/ [8] UREN, A pour GOOD ON YOU, Material Guide: How Sustainable Is Polyester?, 2021, https://goodonyou.eco/how-sustainable-is-polyester/ [11] NANCY D, Les Québécois jettent 24 kg de vêtements par an!, 2016, https://nouvelles.umontreal.ca/article/2016/10/26/les-quebecois-jettent-24-kg-de-vetements-par-an/
[13] TOPRAK T, ANIS P, Textile industry’s environmental effects and approaching cleaner production and sustainability, an overview, J Textile Eng Fashion Technol, 2017, https://medcraveonline.com/JTEFT/textile-industry39s-environmental-effects-and-approaching-cleaner-production-and-sustainability-an-overview.html#ref45 [14] GREENPEACE INTERNATIONAL, Toxic Threads: The Big Fashion Stitch-Up, 2012 https://www.greenpeace.org/static/planet4-denmark-stateless/2018/10/de1f42ec-de1f42ec-121120_toxic_threads_the_big_fashion_stitch-up.pdf [15] HUMAN RIGHTS WATCH, Whoever Raises their Head Suffers the Most, 2015 https://www.hrw.org/report/2015/04/22/whoever-raises-their-head-suffers-most/workers-rights-bangladeshs-garment [16] Documentaire de MORGAN, A, The True cost, 2015,https://truecostmovie.com/ [17] PEOPLE for the ETHICAL TREATMENT of ANIMALS, https://www.petafrance.com/nos-campagnes/habillement/
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